"Memorial Drive"
de Natasha Trethewey
Ed L’Olivier, 2021
C’est l’histoire d’un évènement bloqué dans la mémoire de Natasha Trethewey, écrivaine et poétesse américaine, lauréate du prix Politzer pour la poésie en 2020, celui de l’assassinat en juin 1985 de sa mère Gwuendolyn, alors qu’elle avait 19 ans. Sa mère a été assassinée par son second mari, « Big Joe », un vétéran de la guerre du Vietnam, violent, alcoolique et qui jusqu’au bout l’aura persécutée, battue, tout en exigeant qu’elle ne la quitte pas. Le titre du livre provient d’une rue d’Atlanta où se déroulera la fin de la vie de Gwuendolyn.
Natasha Trethewey revient sur son enfance et le drame qui s’achève alors qu’elle a dépassé de peu la quarantaine. Au début, elle rapporte une « romance » entre sa mère, noire, et un blanc intellectuel. Le couple file un grand amour dans le Mississipi, bravant codes et coutumes de l’époque et de la région. On est dans ces états à la fin de l’apartheid et l’école doit accueillir toutes les races mais Natasha Trethewey nous décrit les obstacles nombreux que rencontre la communauté noire, les vexations, les injustices. Hélas, le couple ne survit pas à ces tensions extérieures malgré leur bonne volonté à chacun. Lui reste l’intellectuel détaché des réalités pratiques ; elle travaille, mais est marquée par les critiques provenant de sa propre communauté. Elle se remarie avec Big Joe qui n’acceptera pas Natasha née de son premier mariage.
La vocation de Natasha Trethewey pour la littérature se révèle tôt à l’école où elle devient rédactrice du journal de son école à Atlanta. Son beau-père s’y oppose mais sa mère soutient fermement sa fille et affronte son mari. Le soir même sa mère paiera cher son opposition en étant battue, mais de ce jour, Natasha garde une reconnaissance infinie à sa mère. Pourtant, elle va garder pour elle les derniers moments tragiques de la vie de sa mère et c’est tout l’intérêt du livre que de voir Natasha Trethewey analyser ce qui l’a rendue muette si longtemps, incapable de formuler ce drame alors qu’elle maitrise si bien le verbe. La libération de sa parole suit le déferlement de la mémoire avec des précisions et des détails crus sur les cauchemars de sa mère.
La fin du livre est terrifiante : Natasha Trethewey rapporte in extenso le dialogue qui a été enregistré par la police entre sa mère et Big Joe, quelques heures avant qu’il ne la tue à bout portant, sa mère refusant de vivre de nouveau avec son mari. Au passage, l’autrice signale que la police n’a pas assuré la garde de sa mère, comme il avait été prévu.
Ce livre est captivant, une histoire dramatique dont les ressorts sont, hélas d’actualité – on ne parle pas ici de féminicide mais on le vit – , il analyse les ressorts de la mémoire qui enfouit des évènements douloureux mais qui peut les faire resurgir avec une grande précision. C’est un hommage poignant au courage de sa mère. Il montre le rôle cathartique de l’écriture dans une telle souffrance. Il met le doigt sur la difficulté (c’est un euphémisme) des mariages interraciaux dans les Etats du Sud de l’Amérique à la fin de l’apartheid. Il a été en tête de lecture aux Etats-Unis pendant plusieurs semaines.
Pierre Corvol
Septembre 2023
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