"Le jour avant le lendemain"

Avouons que ce petit livre ne nous apporte pas de « scoop » sur la vie des inuits. Nombreux sont les ouvrages qui nous ont décrit avec précision leurs coutumes d‘alors et leurs conditions de vie.

Alors, pourquoi ce court roman se révèle-t-il si fascinant ?

Je réponds : la qualité de l’écriture. Elle se manifeste avec des phrases simples, parfois longues, mais avec des mots quotidiens précis et des métaphores bien choisies qui imagent ses propos devant moi, en trois dimensions. Niniok note ses observations fussent-elles pour nous d’apparence futile, livre ses hypothèses, nous informe de ses décisions, montre en toutes circonstances un savoir-faire étonnamment efficace. Elle est la reine de ce royaume dévasté.

Bien que cet univers me soit totalement étrange et étranger, j’ai été immédiatement attaché à cette grand’mère et à son petit fils. Je me suis inquiété puis angoissé en même temps que Niniok.

Qu’est-ce qui a provoqué la mort de tous les gens de son village ? Sans doute l’alcool et la peste apportés sciemment par les européens. Elle ne le sait pas et moi pas trop non plus. Niniok montre d’exceptionnelles qualités de pédagogue. Elle transmet son savoir mais aussi sa joie de vivre, de survivre, dans un environnement totalement hostile. Car elle en a vécu des situations tragiques, extrêmes mêmes. Elle parle du cannibalisme avec beaucoup de sincérité et de pudeur ; Elle procède souvent par allusions , sauf, entre autres, pour le rapt des fiancées qu’elle prend le temps d’expliquer. Désormais, peut-être seule au monde avec Manik, elle doit jouer les passeurs ; ses réflexions sur la vie, la jeunesse et la vieillesse gagnent une portée universelle.

Mais un jour, il faut savoir se reconnaître vaincu, pas à la hauteur et savoir faire ce que son coeur dicte. Cette fin est grandiose. Et si simple, apparemment.