Une excuse peu banale
Article paru dans CONTACT n° 1 en 1983 ( ?)
Il s’en passait des choses en ce temps-là dans les centres F.P.A.. Et on savait les raconter !.....
Je peux vous assurer d’abord que cette histoire est vraie. Quand vous l’aurez lue, d’ailleurs, vous conviendrez qu’il est impossible d’inventer une histoire pareille. Elle a pour cadre un centre F.P.A. situé dans une petite ville du sud de la France. Je ne peux pas préciser davantage car ceux qui ont vécu cette histoire existent toujours, heureusement !... et n’aimeraient peut –être pas que leurs noms soient cités.
Il y a une dizaine d’années, la section de plomberie de ce centre entrait dans sa seizième semaine. C’était un lundi, donc. Et un stagiaire - appelons-le Marcel Pernasse - manquait à l’appel.
Un stagiaire absent un lundi matin, ce n’est pas aujourd’hui, un événement exceptionnel. Dans ce temps-là, ce l’était davantage. D’autant que cette section était composée de quinze ruraux, fils de cultivateurs et d’artisans, habitués aux rudes travaux et à la discipline, venus en stage pour apprendre un métier, pas pour passer le temps.
Le lundi après midi, coup de téléphone au bureau . M. Pernasse, le père de Marcel, prévenait que son fils, victime d’un accident de circulation, serait absent plusieurs jours. Personne ne s’est trop inquiété sur le moment.
Le lundi suivant, le père de Marcel téléphonait à nouveau. L’état de son fils, davantage touché qu’on ne l’avait cru tout d’abord, s’était aggravé.
« Je suis bien embêté qu’il ne puisse pas venir au centre. Et lui aussi », a-t-il ajouté.
« Ne vous en faites pas pour le stage, répondit l’adjoint administratif qui avait pris la communication, sa santé avant tout. Souhaitez -lui un bon rétablissement ».
Cette fois, dans la section on a commencé à s’inquiéter un peu. D’autant que Marcel était un bon copain, toujourts prêt à rendre service. Boute en train aussi, toujours prêt à plaisanter de tout et de rien. Ne vous y trompez pas, travailleur et appliqué quand même. Peut être pas le stagiaire modèle mais presque.
Et le mercredi, crac ! La catastrophe ! Un coup de téléphone bref. Marcel était mort.
Ce ‘était pas son père qui appelait et on comprenait bien pourquoi, mais un voisin, affligé lui aussi. Il n’a pas donné de précisions sinon que l’enterrement aurait lieu
Le jeudi à dix heures.
Sitôt la nouvelle connue, la tristesse s’abattit sur la section de plomberie qui affichait son deuil dans tous les regards. Un garçon si jeune (il avait 18 ans), si gentil !
Le destin est parfois bien cruel. Au repas de midi tout le centre parlait de l’événement et le brouhaha des conversations était plus feutré que d’habitude.
Les stagiaires plombiers décidèrent de faire une collecte pour acheter une gerbe que quatre d’entre aux iraient porter aux obsèques. Le directeur donna bien sûr son accord. Comme certains stagiaires d’autres sections et surtout l’encadrement du centre
avaient participé à la collecte, ce fut une bien belle gerbe, portant l’inscription « A notre regretté camarade » que les quatre emportèrent le jeudi matin, dans la voiture de l’un d’eux.
Marcel Parnasse habitait dans un petit village du département voisin, à une soixantaine de kilomètres du centre F.P.A. Il ne fut ps difficile pour les quatre stagiaires de trouver l’adresse. Une petite maison couverte de lierre à deux ps de la place de l’église. Il ne restait plus qu’à accomplir les derniers et pénibles devoirs : poser les fleurs, se recueillir sur le cercueil qui devait déjà être prêt pour l’église et le cimetière, présenter les condoléances à la famille.
Les quatre endimanchés, cravatés même, pour la circonstance, se mirent en ligne, les deux du milieu portant la gerbe. Et ils sonnèrent à la porte.
Et la porte s’ouvrit …
Les quatre stagiaires virent alors celui qui avait ouvert. Stupeur ! C’était Marcel Pernasse. Le mort !
Imaginez la scène. Quatre garçons et leur gerbe destinée à leur regretté camarade. Et en face d’eux, apparemment bien vivant, celui qu’ils étaient venus enterrer. Ce n’est pas une situation qu’on rencontre tous les jours.
De ce qui s’est passé à ce moment, les stagiaires en cuse ne parlèrent jamais. Ils racontèrent simplement au moniteur qu’on s’était moqué de tout le monde et que Marcel Pernasse n’était pas mort. Le directeur prit alors l’affaire en main et fit très rapidement une enquête.
Marcel Pernasse n’avait jamais eu d’accident. Il voulait arrêt sa formation mais son père ne le voulait pas. Il avait alors raconté à son père que le moniteur avait eu un accident, que la formation était interrompue et qu’on ne savait pas quand elle reprendrait . Pour se couvrir du côté du centre et ne pas risquer de recevoir une lettre demandant les raisons de son absence (lettre que son père aurait lue), il avait inventé son accident. Et, pour ne pas être obligé de téléphoner tous les trois jours, comme il l’avait avoué, il a couronné avec sa mort et son enterrement. Il n’avait jamais imaginé que quelqu’un se déplacerait. Evidemment, ce n’était pas le père qui avait téléphoné mais son frère et un copain.
Cependant l’histoire n’est pas finie. La suite est aussi étonnante.
Voyant qu’il était démasqué et sans doute poussé par son père à l’aide de quelques coups de pieds bien placés, le lundi matin, Marcel Pernasse s’est présenté au centre. Comme si de rien n’était !
Il n’y est pas resté longtemps.
Parfois, quand le directeur prend un décision de renvoi à l’égard d’un stagiaire, ses camarades protestent, manifestent. Ce ne fut pas le cas cette fois-là. Les stagiaires de de la plomberie firent leur policée eux-mêmes. Il fallut même l’intervention énergique du moniteur pour que Marcel Pernasse ne s’en aille pas à l’hôpital. Pour de bon, cette fois !
`
On n’a plus jamais entendu parler de lui.
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Quelque temps après, je devais interroger quelques stagiaires plombiers pour avoir plus de précisions sur le départ de Marcel Pernasse car une enquête était en cours pour étudier les causes de départ des stagiaires (ce ne fut pas la seule !). Un m’a répondu au nom de tous.
Pernasse ? Il est mort. Tellement mort qu’on lui a payé une gerbe !
Et c’est avant que je mette une croix dans la case « décès » de l’enquête que l’adjoint technique m’a raconté l’histoire.
J.M. LE MAITOUR
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